Quand l’une des icônes du paysage automobile américain passe en mode 100 % électrique.
C’est tout un symbole. Mieux : un phénomène, car les clients américains s’arrachent le pick-up Ford F-150 à batteries.
Avec plus de 700 000 exemplaires écoulés en 2021, le Ford F-150 est de loin le best-seller du marché américain, toutes catégories confondues. Eh oui, si les Peugeot 208 et Renault Clio se battent en France pour la première place du podium, aux États-Unis ce sont les pick-up F-150, Ram ou Silverado qui ont les faveurs des conducteurs. Certes, ce sont des ventes bien plus marquées dans le centre du pays que sur les côtes, mais les chiffres sont là, et Ford est leader du genre depuis quarante-quatre ans !
Aussi, quand la marque a proposé une version 100 % électrique de son « camion » (truck), comme l’appellent les Québécois, le succès n’était pas écrit d’avance. Surtout avec des clients souvent très traditionnels. Aujourd’hui, alors que l’usine dédiée, flambant neuve, du site historique de Rouge à Dearborn, près de Detroit, monte en puissance pour atteindre à terme 150 000 unités annuelles, les délais de livraison dépassent un an. Et pour cause : le succès est édifiant avec 200 000 précommandes.
Basé sur les versions classiques, le dérivé électrique du F-150 conserve des lignes au plus proche, rassurant les moins téméraires. Pour se différencier visuellement, le pick-up américain adopte cependant une face avant spécifique avec l’incontournable bandeau de LED entre les feux que l’on retrouve sur nombre de voitures électriques.
Alors que les prix du F-150 classique commencent à 31 520 $ hors taxes, frais de livraison et immatriculation (39 570 $ en double cabine comme sa version zéro émission), ceux du Lightning débutent à 46 974 $ en version de base, déjà forte de 458 ch, du même couple gigantesque de 1 050 Nm que celui du gros moteur et d’une batterie de 98 kWh. Un surcoût pour le ticket d’entrée d’environ 50 %, dont presque la moitié peut être remboursée sous formes d’aides fédérales outre-Atlantique.
Ford ajoute ici une borne de recharge à domicile, qui redonnera toute sa capacité d’autonomie au Ford en 8 heures et pourra utiliser à l’inverse son énergie pour alimenter une maison à l’équipement compatible en cas de besoin.
La carrosserie aluminium ne suffit pas à offrir au gros pick-up (5,91 m !) un poids de ballerine : il frôle les 3 tonnes ! En revanche, la version Lightning a droit à une suspension arrière indépendante (une première sur le F-150) et multibras pour laisser place au second moteur. Voilà qui offre à ce gros vaisseau des routes et des chemins un comportement moins rustique que celui de ses cousins thermiques. Cela s’accompagne d’un confort tout à fait acceptable, même si la rigidité toute relative, la direction lourde et l’amortissement (non actif) prévu pour de lourdes charges rappellent la conception utilitaire du mastodonte. Il faut dire que celui-ci peut emmener jusqu’à 885 kg de charge utile et remorquer jusqu’à 3,8 t.
Accompagnées d’une sonorité artificielle réussie, les très solides accélérations (env. 4 s de 0 à 100 km/h !) et la capacité de traction offertes par ses deux moteurs donnent des sensations qui devraient permettre de mieux faire passer la pilule aux nostalgiques des gros moteurs en V.
Il faut dire que les performances rivalisent avec celles de la méchante version Raptor de 450 ch. Seul le tout récent Raptor R avec son V8 suralimenté de 700 ch pourrait bien le laisser derrière lui, surtout en tout-terrain… En franchissement, si la douceur de la propulsion électrique et le couple omniprésent sont des avantages, le Lightning n’est pas conçu de manière aussi extrême que certains autres modèles de la gamme, plus légers et prompts à crapahuter.
Sur route en revanche, avec plus de 1 000 Nm de couple, le pick-up électrique présente une sacré réactivité et, bien installé dans les confortables sièges massants, on apprécie aussi la douceur de conduite à une pédale dont il est capable. Pour la recharge, le système BlueOval de Ford, rassemblant dans différents réseaux 75 000 points de charge, permet de refaire le plein d’électrons directement sans carte spécifique, la voiture étant reconnue, comme pour Tesla. L’application FordPass ou la navigation de bord servent notamment à planifier son itinéraire avec les arrêts nécessaires. Avec 150 kW maximum pour une charge en courant continu, le Ford peut regagner 86 km d’autonomie en 10 minutes selon le constructeur.
En adaptant une base existante plutôt qu’en en développant une nouvelle, la marque à l’ovale bleu a pris une avance précieuse, récompensée par un succès phénoménal. Ford a eu le flair de se lancer assez tôt dans un programme de pick-up électrique alors que ses concurrents tardent. GMC Hummer, Chevrolet Silverado et surtout Tesla Cybertruck sont en effet attendus pour 2024. Mais la concurrence vient de toutes parts, car dans le même temps des start-up cherchent à remettre en cause l’hégémonie des « big three » sur ces carrosseries. Parmi elles figurent Rivian, qui connaît un beau début de carrière avec son pick-up sophistiqué R1T, ou Lordstown Motors, plus à la peine avec son Endurance.
« Le Ford F-150 Lightning est le nouveau véhicule le plus important de la décennie. » En effet, peut-être autant que Tesla sur les côtes, il peut contribuer à un changement de mentalité dans les États les moins sensibles à la transition écologique. Sans oublier les fondamentaux de ce segment (une capacité d’emport impressionnante), ce F-150 ajoute un agrément que l’on n’attendait pas forcément. De quoi donner à hésiter au moment de choisir dans la gamme du truck américain emblématique. Les nouveaux convaincus devront toutefois s’armer de patience avant de pouvoir recevoir leur exemplaire.